Morpheus : Portrait du capitaine Paul

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    Il est 8 heures passé lorsque j’ouvre les yeux. À côté de moi, Robin dort encore, enveloppé dans son sac de couchage. Le bateau, lui, est déjà réveillé : au-dessus de nos têtes, il joue quelques notes de musique qui parviennent faiblement à notre cabine. Je m’extirpe péniblement, agrippée par le froid sec d’un mois de décembre à Hambourg. Dehors, pas un bruit, les “prisonniers d’Alcatraz” dorment encore derrière leurs grandes baies vitrées.
    Je monte les quelques marches qui me séparent de la cabine du capitaine et pousse sa lourde porte. Elle est là, sa cellule à lui, décorée de quelques tasses de thé et de piles de livres sur lesquelles se promène un joli chat noir. Ici, juste en face du poêle brûlant, la barre du navire sert à étendre des serviettes encore mouillées par une baignade dans le port, et la radio VHF est éteinte. Le Morpheus est à quai, mais la police le lui rappelle souvent par ses visites : il ne peut ni rester là, ni naviguer. Pourtant, le capitaine Paul rêve des mers de Cuba, loin de ce qu’il appelle “la prison d’Alcatraz”, érigée face à lui en véritable étendard d’une société consumériste qu’il déteste. Entre les notes de Mandoline, la vérité est criante, à bout de souffle : le Morpheus doit partir.
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